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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/254

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Voilà pourquoi il ajoute : « Ainsi les ténèbres de l’une, ainsi la lumière de l’autre. » Ces expressions s’appliquent en toute propriété aux éléments ; par métaphore elles s’appliquent aux actions des hommes. Ce qui montre que Dieu ale pouvoir de procurer au sein des afflictions la tranquillité d’un bonheur paisible, parce que Dieu prend souci des affligés. Cela est merveilleux, étrange : c’est cependant ce qui est arrivé à Joseph. Son bonheur, ses honneurs, s’il fût resté dans la maison paternelle, n’auraient pas égalé sa prospérité, sa grandeur, après avoir été vendu, après avoir été élevé dans la maison d’un barbare. Ceux mêmes qui travaillaient à le perdre préparaient son diadème, apprêtaient sa pourpre, et du sein même de l’infamie à laquelle on le vouait, est sorti pour lui l’honneur qui l’a porté au trône. Avez-vous bien compris notre explication ? « La nuit sera lumineuse comme le jour. » Quant à cette expression : « Ainsi les ténèbres de l’une, ainsi la lumière de l’antre », elle a donné lieu à la même réflexion ; de même que les ténèbres, de même la lumière aura son tour, non seulement d’une manière apparente ; mais Dieu, le Dieu, ton Seigneur, changera la nature des choses. « Car, vous êtes le maître de mes reins, Seigneur ; vous m’avez pris dès le ventre de ma mère (13). » Quel rapport, entre ces paroles et celles qui ont été prononcées ? La conséquence est rigoureuse, et les idées sont étroitement liées. Après avoir célébré une puissance si grande, il montre que Dieu l’exercé pour l’utilité des hommes et leur élus grand bien.
Il ne faut pas que l’insensé puisse dire : Et que me fait à moi sa grandeur, sa puissance, sa prescience ? Montrez-moi le profit que nous en retirons. Le Psalmiste a ajouté : « Vous êtes le maître de mes reins », se servant d’une partie de l’homme pour désigner l’homme tout entier. Ce n’est pas chose indifférente, quand on loue la Providence, que de sentir qu’on est propriété de Dieu. Qui possède, prend soin et pourvoit. Aussi le Psalmiste, pour exprimer cette idée, ajoute-t-il : « Vous m’avez formé dès le ventre de ma mère ; » c’est-à-dire, à tous les instants, vous avez pris soin de me rendre fort ; vous avez pourvu à tout ; sans cesse vous vous êtes occupé de moi ; vous m’avez mis en sûreté dès ma première enfance, dès le maillot, et ce que j’ai dit, vous me l’avez enseigné par les faits mêmes : « Je vous louerai, parce que vous avez fait éclater votre grandeur d’une manière terrible ; vos œuvres sont admirables, et mon âme en est vivement frappée (14). » Qu’est-ce à dire ? Vous m’avez formé, mais j’ignore comment vous m’avez formé ; à vous, la providence, mais je ne puis embrasser toute votre providence dans ma pensée ; vous êtes partout, mais cela même je ne le comprends pas ; vous connaissez l’avenir et lé passé et les secrets de l’esprit de l’homme, mais ma raison est impuissante à s’expliquer cette merveille ; vous changez les natures des choses, et vous faites qu’en persistant elles fassent paraître des effets contraires ; et, vous produisez les contraires comme s’ils étaient les propriétés mêmes spécialement attribuées à chaque nature.
4. Donc, après avoir rassemblé tous ces titres, le Psalmiste, divinement inspiré, fait entendre une grande voix qui s’écrie : « de vous louerai, parce que vous avez fait éclater votre grandeur d’une manière terrible », c’est-à-dire, vous avez paru admirable, et vous êtes admirable ; « admirables sont vos œuvres et mon âme en est vivement frappée. » Et que puis-je raconter de vous, dit le Psalmiste, lorsque ce qui vient de vous, étale une grandeur magnifique ? Cessant dès lors de tout passer en revue, il se borne à la connaissance particulière qu’il a de lui-même, et il dit : « Et mon âme en est vivement frappée. » Elle n’en est pas seulement frappée ; mais profondément, dit-il, et vivement. Mais maintenant si son âme connaît, comment a-t-il pu dire auparavant : « Merveilleuse est votre science au-dessus de moi, elle est pleine de force, je ne pourrai y atteindre. » Ces paroles s’appliquent à Dieu même, les autres aux ouvrages de Dieu. Que si les dernières paroles s’appliquaient aussi à Dieu même, nous dirions : il sait que Dieu est admirable, grand, élevé. Maintenant quelle est sa substance ? Car je veux me répéter ; comment subsistent sa majesté, sa magnificence ? Comment expliquer ce qui a été dit ? C’est ce à quoi il ne peut répondre. Mais l’impossibilité même de la réponse est une preuve de la connaissance, quoique cela semble être un paradoxe. La mer aussi est d’une grandeur que nous ne connaissons pas ; et pourtant, ce qui prouve précisément que nous avons de la mer une idée vraie, c’est que nous en ignorons la grandeur. Dire que l’on peut mesurer la mer, c’est donner la meilleure preuve qu’on ne la