Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

espèce d’importance, comme, par exemple, si on vous a pris de l’argent, ou si l’on vous a fait quelqu’affront, niais parlez-lui des torts que vous fait le démon ; c’est alors surtout que vous avez besoin du secours d’en haut. Mais vous n’avez personne qui s’intéresse à vous, et présente votre supplication ? Lorsque le roi s’avance, parlez-lui, et choisissez le temps convenable. Plais quand le roi s’avance-t-il ? Toujours, et à chaque instant. Mais quand est-ce le temps convenable ? Ce sera quand vous voudrez, quand vous vous serez préparé, de manière à être digne de l’aborder. On prescrivit aux Juifs de s’arrêter aux pieds de la montagne, pour se présenter devant Dieu, de mettre des vêtements blancs, et de n’avoir pas de commerce avec leurs femmes. (Ex. 19,12, 14-15) Pour vous, purifiez votre âme, sans songer à vos vêtements, et, avec la modération et la décence de la sagesse, approchez, allez trouver le roi, si vous voulez sincèrement obtenir ce que vous demandez. Le voyage n’est pas coûteux ; pour toute provision ayez avec vous la vertu. Et où est-il ce roi ? Auprès de ceux dont le cœur est contrit. Avancez-vous par ce chemin, « le Seigneur est proche de tous ceux qui l’invoquent en vérité. » (Ps. 144,18) C’est là que vous le trouverez, c’est là que vous lui parlerez. Il est proche de tous ceux qui rompent le pain aux affamés et qui dispensent l’aumône. Si vous prenez ce chemin, vous le trouverez tout prêt à vous accorder votre demande. « Vous parlerez encore », dit-il, « et je vous dirai : me voici. » (Is. 58,9) Et pas n’est besoin d’intermédiaire ; c’est par vous-mêmes que vous obtiendrez ce que vous demandez. « Exaucez-moi selon l’équité de votre justice. » Que faites-vous, ô homme ? Vous allez dire tout de suite après. « N’entrez point en jugement avec votre serviteur parce que nul homme vivant ne sera trouvé juste devant vous (2). » Et voici que vous demandez d’être écouté, comme il est juste. Que veut-il donc dire ?
« Justice » veut dire ici clémence, et dans beaucoup de passages de l’Écriture, nous pouvons voir que « justice » signifie « clémence. » Et c’est avec raison. Chez les hommes, la justice se sépare de la miséricorde ; chez Dieu, il n’en est pas de même, mais, à la justice, se joint la miséricorde, et dans une proportion si grande que la justice même s’appelle clémence. Ainsi, considérez, au moment du déluge, la grandeur de la miséricorde, et, en même temps, la grandeur de la justice. S’il y eut un châtiment infligé aux pécheurs d’alors ; ce châtiment pourtant fut au-dessous de ce qu’ils avaient mérité. Cessez de considérer ici la masse des eaux, le nombre des jours que dura ce naufrage du déluge, et la terre devenue alors un abîme ; qu’importe tout cela à ceux qui périrent ? Spectacle épouvantable sans doute, mais pour ceux qui sont morts, il n’y a pas là un supplice. Où est la punition de ceux qui ne sentaient rien de ce qui se passait ? Pour ceux qui moururent vite, ils souffrirent, en un instant, une mort très-douce, plus clémente que la mort par le feu, par le glaive, par la pendaison, par les tortures : leur fin fut beaucoup moins pénible. Ils avaient plutôt l’image du supplice qu’ils ne le subissaient en l’éprouvant. Ainsi, ceux qui avaient passé toute leur vie, jusqu’au dernier moment de leur vieillesse, commettant de telles iniquités, ont été punis, en un instant bien court, si toutefois il faut appeler puni celui qui paye la dette à la nature.
2. Avez-vous bien compris la grandeur de la clémence ? En voulez-vous encore une autre preuve ? Dieu n’a pas tout de suite envoyé le déluge ; il l’a prédit, une première fois, une seconde fois, souvent. La construction de l’arche était un avertissement aux pécheurs, mais ils, ne le comprirent point, et cependant cet avertissement même n’était pas nécessaire, les coupables n’avaient pas besoin qu’on leur révélât leur perversité. La nature ne leur apprit rien : comme des porcs immondes, ce n’est pas assez dire, plus immondes que des porcs, dans la corruption qu’ils s’envoyaient les uns les autres, renversant toutes les lois de la nature, indociles à toute exhortation, à tout conseil, ne retirant aucune utilité du spectacle de ce juste qu’ils avaient sous leurs yeux ; eh bien ! ces grands coupables n’ont souffert qu’un instant seulement l’expiation ; disons mieux, ils ont été arrachés à la mort, et affranchis d’un juste châtiment, car c’est chose bien plus malheureuse de commettre le crime, que d’être enseveli sous les eaux du déluge. Eh bien ! répondez-moi, est-ce vraiment un supplice, pour des hommes ainsi rongés par le vice, ainsi associés dans le crime et dans la honte, et se souillant ainsi les uns les autres, que d’être affranchis d’une corruption si funeste ? Dirons-nous que le médecin, amputant des membres gangrenés, inflige au corps une punition ? Ne dirons-