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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/401

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contre leurs frères, mais encore de s’être liées avec ales peuples issus d’une autre famille, d’une autre race, d’avoir pris pour alliées des nations avec lesquelles toute communication leur était interdite, d’avoir placé leur camp à côté d’elles et d’avoir avec elles assiégé la ville. Car ils firent marcher Basin, un étranger, contre, leur métropole. Et les forces des combattants étaient inégales. Chez les uns, une multitude innombrable, des villes, des nations, des peuples ; chez les autres, rien de tout cela, mais une seule ville, la capitale, afin que la force de Dieu parût avec plus d’éclat. Personne, en effet, ne leva les armes contre ces ennemis, personne ne les attaqua, personne ne les inquiéta, et pourtant leurs efforts pervers n’aboutirent à rien. « Car, dit le Prophète, ils ne purent la prendre. » Et qu’est-ce donc qui les en empêchait ? Rien que la main de Dieu, qui les repoussait invisiblement. Toutefois, comme je l’ai dit, il fit disparaître le mal sans faire disparaître aussitôt la crainte. « Et l’on vint dire à la maison de David, qu’Aram s’était ligué avec Ephraïm. Et le cœur du roi et le cœur de son peuple furent saisis. » Quand Dieu se prépare à faire quelque chose d’étonnant, il n’opère pas aussitôt le prodige, mais il laisse d’abord sentir à ceux qui doivent en recueillir le fruit, combien leurs maux sont graves, afin qu’après leur délivrance, ils se gardent bien de montrer la moindre ingratitude. Comme, en effet, la plupart des hommes, soit par orgueil, soit par négligence, oublient leurs maux quand ils en sont délivrés, ou, s’ils ne les oublient pas, s’attribuent à eux-mêmes toute la gloire, Dieu les laisse d’abord sentir leurs maux et les délivre ensuite de leurs ennemis, ce qu’il fit particulièrement en cette circonstance. Il laissa la crainte s’emparer des cœurs, il les livre en proie à un grand abattement, et ensuite il envoie la délivrance. C’est ce qui est arrivé au grand David. Le Seigneur devait le conduire au combat et élever par ses mains un brillant trophée ; mais il ne le fit pas dès le commencement de la guerre ; il laissa d’abord les Israélites en proie à la crainte pendant quarante jours, et lorsqu’ils regardèrent leur salut comme désespéré, que le barbare Goliath leur lançait mille injures sans que personne osât se lever et marcher contre lui ; alors, dis-je, alors qu’ils avouaient eux-mêmes leur défaite et que leur impuissance était devenue évidente, il envoya à la guerre ce tout jeune homme et lui fit remporter cette étonnante victoire. Et si après tout cela, après une telle preuve d’impuissance, Saül, quand il fut délivré, se laissa aller à la haine et à la jalousie, et dressa des embûches à David ; s’il se laissa vaincre par sa passion et se montra ingrat envers son bienfaiteur, que n’aurait-il pas fait si lui, si son armée n’avaient pas avoué si hautement leur lâcheté ?
Vous verrez Dieu agir ainsi en beaucoup d’autres circonstances, et surtout en celle-ci. Il se proposait de délivrer les Israélites de cette guerre et d’éloigner d’eux tout danger ; mais il les laisse d’abord sentir leurs maux. « Le cœur du roi et le cœur de son peuple furent saisis et tremblèrent, comme tremblent les arbres des forêts agités par le vent. » C’est le propre de la prophétie de révéler les choses cachées. Elle nous montre la disposition d’esprit de chacun et, pour plus de clarté, elle ajoute une image pour faire voir combien cette crainte était extrême. Leur cœur, dit-elle, était agité ; ils étaient dans une entière prostration, ils désespéraient de leur salut, ils pensaient être dans un danger extrême, ils n’attendaient plus rien de bon, tous étaient trahis par leurs propres pensées. Que fait Dieu ? Il prédit leur délivrance, et aussitôt il l’opère, afin qu’ils ne puissent attribuer à aucun autre la levée du siège, et il envoie son prophète pour annoncer l’avenir. « Le Seigneur dit à Isaïe : Va au-devant d’Achaz, toi et Jasub ton fils qui t’est resté, à la piscine qui se trouve au haut du champ du Foulon, et tu lui diras : Ne sois ni dans l’agitation ni dans la terreur, et que ton âme ne tombe pas dans l’abattement et n’aie aucune crainte de ces deux bouts de tisons fumants ; car lorsque ma colère sera montée, je vous sauverai encore (3, 4). » Qu’est-ce à dire : « Va au-devant ? ». Le roi, agité pair la crainte et la frayeur, n’était pas tranquille, il ne pouvait rester dans son palais ; mais, chose que les assiégés font ordinairement, il sortait continuellement pour visiter les remparts, les portes, courant de tous côtés, sens cesse dans l’agitation pour savoir où en étaient les ennemis ; c’est pourquoi il lui dit : « Va au-devant. » Qu’est-ce à dire : « Toi et Jasub ton fils qui t’est resté ? » Jasub, en langue hébraïque, veut dire conversation et manière de vivre. C’est ainsi que Jessé en envoyant David lui dit : « Tu connaîtras leur état », c’est-à-dire tu m’annonceras