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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/460

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ces deux genres d’instruction et faire succéder l’un à l’autre, de telle sorte que notre pensée ne s’abandonne pas à un excès de relâchement, et que, d’un autre côté, elle ne succombe pas à une tension continuelle au point de se refuser désormais au travail.
Voilà pourquoi, dans ces derniers temps, après vous avoir entretenus de Paul et de Pierre, de la discussion qu’ils eurent ensemble à Antioche, et vous avoir montré comment aucune paix ne saurait donner d’aussi beaux fruits que cette guerre apparente, vous voyant fatigués de cette excursion sur une matière difficile, nous vous avons amenés le jour suivant sur un terrain plus uni, en vous faisant l’éloge du bienheureux Eustathe, puis en vantant les mérites du généreux martyr Romain, devant une assemblée plus nombreuse et plus enthousiaste que jamais. De même qu’un voyageur fatigué, parvenu à une prairie, se réjouit, se délecte, en voyant qu’il était au bout de ses peines, et que tout est désormais pour lui repos, plaisir, contentement : ainsi vous-mêmes, au sortir d’une instruction hérissée de difficultés, vous vîtes arriver le panégyrique des martyrs avec un profond contentement et une joie sans mélange. Il ne s’agissait plus, en effet, d’arguments ni de réfutations, d’attaque ni de défense : en l’absence de tout adversaire et de tout obstacle, le discours parcourait sa carrière en toute liberté. Il n’en fut que plus solennel, plus approprié à.la fête, et plus approuvé : car les auditeurs, quand ils n’ont pas de peine à suivre l’orateur, et que rien ne fatigue leur attention, sont plus disposés à louer le prédicateur. Aujourd’hui, que nous nous sommes suffisamment assuré la faveur de vos charités, en évitant de leur proposer aucune question difficile, il faut que nous en revenions à notre premier genre d’exercices, que nous vous ramenions aux passages plus épineux et vraiment difficiles à comprendre des Écritures, non pour vous fatiguer, mais pour vous exercer à vous tirer sans péril de ces endroits escarpés.
De même que dans notre premier discours nous croyons voir d’abord une division, une lutte entre les apôtres, et qu’après avoir franchi cette difficulté, nous avons pu reconnaître enfin, de la hauteur où nous étions montés, les fruits spirituels qui résultèrent de ce débat, charité, joie, paix, de sotte que notre travail, loin d’être stérile et vain, aboutit à la plus heureuse conclusion ; de même aujourd’hui je m’attends, avec le secours de vos prières, si nous savons franchir avec patience et persévérance la route qui s’ouvre devant nous, et gravir cette pente escarpée, à trouver tout uni, aisé, accessible, une fois que nous serons au sommet. Quel est donc le sujet qui nous est proposé ? La parole du Prophète qui vous a été lue aujourd’hui : « Seigneur, la voie de l’homme n’est pas en lui ; l’homme ne marchera point et ne conduira point ses pas par lui-même. » Voilà le problème : veuillez me prêter la même attention que vous m’avez montrée précédemment : ce problème-ci n’est pas moins important que l’autre, et même il demande encore plus de méditation.
Comment cela ? C’est que la discorde apparente et non réelle de Pierre et de Paul n’est point fort connue, de sorte qu’il n’était pas probable que cette histoire mal comprise dût faire un grand mal : notre texte, au contraire, on le colporte en tous lieux, dans les maisons, sur les places, à la ville, à la campagne, sur terre, sur mer et dans les îles : en quelque lieu que vous portiez vos pas, vous entendrez mille bouches redire : il est écrit : « La voie de l’homme n’est pas en lui. » Et l’on ne se contente point de commenter cette parole : il y en a d’autres qu’on y rattache, celle-ci, par exemple : « Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court (Rom. 9,16) ; » et cette autre encore : « Si le Seigneur ne bâtit pas une maison, ceux qui la bâtissent ont perdu leurs peines. » (Psa. 126) Et si l’on cite ces passages, c’est pour mettre sa propre négligence à l’abri derrière les saintes Écritures, c’est afin de percer à jour notre salut et nos espérances. Ce qu’on veut établir par là, c’est simplement que nous ne sommes maîtres de rien. Dès lors, tout est fini pour nous : adieu la promesse du royaume, adieu la menace de l’enfer, adieu lois, châtiments, supplices, conseils.
2. En effet, à quoi bon conseiller un être qui ne dispose de rien ? et que promettre à une créature dénuée de toute liberté ? ni celui qui a bien agi n’est, digne de louange, ni celui qui a faibli n’encourt peine ou châtiment, dès que notre conduite ne dépend plus de nous-mêmes. Si les hommes concevaient jamais une pareille idée, personne ne voudrait pratiquer la vertu ni fuir le vice. Nous ne laissons point un jour se passer sans vous parler de l’enfer, du