Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/174

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Notre narration sera claire, si elle présente d’abord les faits qui se sont passés les premiers, en conservant l’ordre réel ou du moins probable des choses et des temps. C’est ici qu’il faudra soigneusement éviter d’être confus, embrouillés, équivoques ; qu’il faudra s’interdire les néologismes, les digressions ; ne pas reprendre de trop loin, ne pas traîner en longueur ; ne rien laisser échapper de ce qui tient au sujet, tout en observant les préceptes de la brièveté ; car plus le récit est court, plus il est clair et facile à saisir. La narration sera vraisemblable, si nous parlons d’une manière conforme à l’usage, à l’opinion, à la nature ; si nous mettons bien d’accord le laps du temps, la dignité des personnes, les motifs des résolutions, les convenances des lieux ; de peur que l’on ne puisse nous répondre : Le temps a été trop court ; il n’y avait aucun motif ; le lieu n’était pas favorable ; enfin les personnages n’ont pu ni agir ni laisser agir ainsi. Si le fait est vrai, il ne faut pas moins prendre toutes ces précautions en le racontant ; sans quoi la vérité peut souvent ne pas paraître vraisemblable. Si le fait est supposé, c’est un motif de plus d’observer ces précautions. On ne doit contester qu’avec réserve tout ce qui paraît s’appuyer sur des titres écrits ou sur une autorité respectable. Dans ce que j’ai dit jusqu’ici, je pense être d’accord avec les autres maîtres de l’art, à l’exception toutefois des choses neuves que j’ai trouvées sur l’exorde par insinuation. Le premier, j’ai distingué les trois cas qui lui sont particuliers, afin de présenter une méthode certaine, une théorie claire sur les exordes.

X. Maintenant qu’il me reste à traiter encore de la partie de l’invention, qui est proprement la tâche de l’orateur, je m’efforcerai d’y apporter tout le soin que réclame l’utilité de la matière ; et je dirai d’abord quelques mots de la division.

La division renferme deux parties. En effet, la narration achevée, nous devons montrer d’abord en quoi nous sommes d’accord avec nos adversaires ; puis, quand nous avons fait les concessions qu’il nous est utile de faire, arriver à ce qui reste en discussion, par exemple : « Oreste a tué sa mère, j’en conviens avec ses accusateurs ; en avait-il le droit ? lui a-t-il été permis de le faire ? voilà la question à débattre. » De même, dans la réplique : « On reconnaît qu’Agamemnon a été tué par Clytemnestre ; et malgré cet aveu, l’on prétend que je n’ai pas dû venger mon père. » La division établie, il faut passer à la distribution, qui renferme l’énumération et l’exposition. L’énumération nous servira pour annoncer le nombre de points que nous allons traiter. Elle ne doit pas avoir plus de trois parties ; car il y a du danger à dire trop ou trop peu ; on fait par là soupçonner à l’auditeur de la préméditation et de l’artifice, ce qui détruit la confiance dans nos paroles. L’exposition consiste à donner un aperçu rapide et complet de ce qui fera l’objet du discours.

Passons maintenant à la confirmation et à la réfutation, sur lesquelles reposent toute l’espérance du triomphe et tous les moyens de persuasion : car lorsque nous aurons développé nos arguments, et détruit ceux de nos adversaires, nous aurons entièrement accompli l’œuvre oratoire.