Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/324

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est bien plus fidèle à ses volontés, que celui qui ne s’en rapporte point aux expressions que le rédacteur nous a laissées comme le tableau fidèle de ses intentions, et qui prétendrait les comprendre ou les interpréter mieux que lui-même.

Si celui qui s’attache à l’esprit, expose quelque raison, répondez d’abord qu’il est absurde de convenir qu’on a enfreint la loi, et de chercher à justifier sa conduite. Dites ensuite que tout est bouleversé : autrefois c’était l’accusateur qui prouvait aux juges que l’accusé était coupable, qui établissait les motifs de son crime ; aujourd’hui c’est l’accusé lui-même qui montre pourquoi il est coupable. Chaque partie de la division suivante vous fournira encore un grand nombre de réfutations. D’abord, aucune loi ne permet d’alléguer des raisons contraires au texte de la loi ; ensuite, quand toutes les autres lois le permettraient, celle dont il s’agit ferait seule exception ; enfin, quand cette loi même le permettrait, la raison qu’on allègue ne doit être nullement accueillie.

XLV. Voici à peu près les moyens dont on peut appuyer la première partie. Le rédacteur ne manquait ni (le l’esprit, ni des lumières, ni des se-. cours nécessaires pour exprimer clairement sa volonté. S’il avait cru que le cas où se trouve votre adversaire méritât quelque exception, rien n’était plus simple et plus facile que de l’exprimer : les législateurs n’ont ils pas l’usage de faire des exceptions ? Lisez ensuite les lois qui portent des exceptions ; examinez surtout si la loi dont il s’agit n’en renferme aucune, ou si le même législateur n’en a point fait ailleurs quelques autres ; ce qui prouvera qu’il ne les aurait point omises ici, s’il avait cru qu’elles fussent nécessaires. Prouvez ensuite qu’admettre les raisons de l’adverse partie, c’est anéantir la loi, puisque, si on les admet une fois, on ne peut les considérer d’après une loi qui n’en parle pas ; que si l’on adoptait cette maxime, on offrirait à chacun les moyens et l’occasion de devenir criminel, puisqu’on jugerait alors les délits d’après le caprice du coupable, et non d’après la loi que l’on a juré d’observer ; enfin, que s’écarter de la loi, c’est renverser les principes qui guident les magistrats dans leurs jugements, et les citoyens dans leur conduite. En effet, qui pourra diriger les juges, s’ils s’écartent de la lettre ? comment pourront-ils condamner les autres, eux qui auront jugé contre la loi ? Et les citoyens sauront-ils ce qu’ils doivent faire, si chacun, sans respect pour les lois générales de l’État, ne suit dans sa conduite d’autre règle que son caprice et sa volonté ? Demandez aux juges pourquoi ils font le sacrifice de tous leurs instants aux affaires d’autrui ; pourquoi ils s’occupent du bien de l’État, tandis qu’ils pourraient se livrer tout entiers à leurs intérêts et à leurs plaisirs ; pourquoi ils emploient une formule de serment ; pourquoi ils s’assemblent et se séparent à des heures fixes et réglées ; pourquoi, s’ils sont obligés de se dérober quelquefois aux affaires publiques, ils n’allèguent d’autres causes que celles qui ont été formellement exceptées par la loi : est-il juste que la loi leur impose un joug si pesant dont ils permettront à nos adversaires de s’affranchir ? Si le coupable, direz-vous encore, voulait ajouter à la loi l’exception qui peut justifier