Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/558

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Sulpicius avait péri ; Cotta et Curion étaient absents ; de tous les avocats de cet âge, il ne restait que Carbon et Pomponius, et il n’était pas difficile à Antistius de les surpasser l’un et l’autre.

LXIV. Plus jeune que les précédents, mais immédiatement après eux, vient L. Sisenna, homme instruit et adonné aux plus nobles études, parlant purement la langue latine, versé dans la politique, et d’un esprit assez enjoué. Du reste, il était peu laborieux et paraissait trop rarement au barreau. Placé par son âge entre les triomphes oratoires de Sulpicius et ceux d’Hortensius, il ne pouvait atteindre à la hauteur du premier, et c’était une nécessité qu’il cédât au second. On peut juger de son talent par l’histoire qu’il nous a laissée. Supérieure, sans contredit, à toutes celles qui avaient paru jusques alors, elle est cependant bien éloignée de la perfection, et l’on sent combien cette branche des lettres latines a encore besoin d’acquérir d’éclat et de développement.

Pour Q. Hortensius, sa première jeunesse fut marquée par des succès, et son génie, comme les chefs-d’œuvre de Phidias, se fit applaudir aussitôt qu’il se montra. Ce fut sous le consulat de Crassus et de Scévola, et devant ces consuls eux-mêmes, qu’il parla pour la première fois au forum, et il emporta les suffrages, non seulement de tous les auditeurs, mais des deux meilleurs juges qu’il y eût alors du talent oratoire. Il avait à cette époque dix-neuf ans, et il est mort sous le consulat de L. Paullus et de C. Marcellus ; ainsi sa voix s’est fait entendre au barreau pendant quarante-quatre années. Bientôt nous parlerons plus amplement de cet orateur ; j’ai voulu seulement le rapprocher ici des générations diverses avec lesquelles il a vécu. Au reste, tous ceux dont la carrière a été un peu longue, ont dû nécessairement se trouver, dans le cours de leur vie, en concurrence avec des hommes beaucoup au-dessus et beaucoup au-dessous de leur âge. C’est ainsi qu’au rapport d’Attius, Pacuvius et lui firent représenter des pièces de théâtre sous les mêmes édiles, Pacuvius à l’âge de quatre-vingts ans, et Attius à celui de trente. Il en est de même d’Hortensius : il n’appartient pas uniquement à la génération dont il faisait partie ; il est encore mon contemporain, Brutus ; il est le vôtre, il est celui de l’âge qui précéda le sien. En effet, il parlait en public du vivant de Crassus, et son talent se fortifiait de jour en jour, lorsque, secondé par Antoine, et par Philippe déjà vieux, il plaida pour les biens de Pompéius. Tout jeune qu’il était, Hortensius fut le principal défenseur de cette cause. Il était parvenu sans peine à marcher de pair avec ceux que j’ai rattachés à l’époque de Sulpicius ; et quant à ses égaux en âge, M. Pison, M. Crassus, Cn. Lentutus et Lentulus Sura, il les devançait de bien loin. Il m’a rencontré à mon tour âgé de huit ans moins que lui, et a donné à mon émulation bien des années d’un pénible exercice. Enfin, peu de temps avant sa mort, il a plaidé avec vous pour Appius Claudius, comme je l’ai fait moi-même pour beaucoup d’autres.

LXV. Vous voyez, Brutus, comment dans cette revue des orateurs nous sommes arrivés jusqu’à vous. Toutefois beaucoup de noms se placent entre mes débuts et les vôtres. Comme j’ai résolu de ne nommer dans cet entretien aucun homme vivant, de peur que votre curiosité ne me force à dire