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vous êtes né, célébrez sans phrases, en braves gens convaincus, ses gloires et pleurez ses douleurs, vivez loin du bruit, loin de l’intrigue, dans un petit logis peuplé de rêves et de souvenirs, pour que la plus absurde des calomnies vienne vous y chercher un jour !… N’y a-t-il pas là une irritante ironie ?

Dans les bureaux du Constitutionnel, M. Chatrian rencontra un soir — il y a quinze ans de cela — Sainte-Beuve qui lui dit :

— J’ai lu vos livres. Je voulais vous consacrer un de mes Lundis. Je ne le ferai pas ; je trouve que vos romans sont l’Iliade de la peur.

Chatrian sourit.

— Monsieur, dit-il, nous sommes, mon collaborateur et moi, de familles qui ont fait le coup de feu contre l’étranger et donné leur sang pour la France. Nos pères se sont battus pour le pays, et, si nous célébrons la paix, ce n’est point par lâcheté, c’est par horreur de ces tueries. C’est — voulez-vous le savoir ? — c’est que nos pères ont vu de près, dans notre Alsace, l’invasion et la guerre. Je ne souhaite pas que nos prévisions nous donnent raison un jour, et que l’étranger rentre encore chez nous, mais si ce jour-là arrive, cherchez où seront Erckmann et