Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/287

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accompagnée de ma servante, et me divertissant sous les arbres, je fus alarmée par le bruit d’une toux violente. Tournant la tête, je vis un gentleman d’un certain âge, très bien mis, qui semblait suffoquer par une oppression de poitrine, ayant le visage aussi noir qu’un nègre. Suivant les observations que j’avais faites sur cette maladie, je défis sa cravate et le frappai dans le dos, ce qui le rendit à lui-même. Il me remercia avec emphase du service que je venais de lui rendre, disant que je lui avais sauvé la vie. Ceci fit naturellement naître une conversation, dans laquelle il m’apprit sa demeure, qui se trouvait fort éloignée de la mienne.

Quoiqu’il semblait n’avoir que quarante-cinq ans, il en avait néanmoins plus de soixante, ce qui venait d’une couleur fraîche et d’une excellente complexion. Quant à sa naissance et à sa condition, son père, qui était mécanicien, mourut fort pauvre et le laissa aux soins de la paroisse, d’où il s’était mis dans un comptoir à Cadix, où, par son active intelligence, il avait non seulement fait sa fortune, mais acquis des biens immenses, avec lesquels il retourna dans sa patrie, où il ne put jamais découvrir aucun de ses parents, tant son extraction avait été obscure. Il prit donc le parti de la retraite et vivait dans une opulence honnête et sans faste, regardant avec dédain un monde dont il connaissait parfaitement les détours.

Comme je veux vous écrire une lettre particulière touchant la connaissance que je fis avec cet ami estimable, je ne vous en dirai ici qu’autant qu’il en faut pour servir de connexion à mon histoire et pour obvier à la surprise que cette aventure vous causera.

Notre commerce fut fort innocent au commencement, mais il se familiarisa peu à peu et changea enfin de nature. Mon ami possédait non seulement un air de fraîcheur, mais