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une étrangère et s’en alla elle-même parmi des
étrangers. Le hasard permit qu’elle y fût bien
traitée et bien payée ; mais elle pleura souvent
après avoir donné son lait à l’enfant qui
l’achetait. Ce fut seulement lorsqu’il fut sevré
qu’elle put courir embrasser sa fille. Elle
revint plus triste de ce voyage. Nénette ne
profitait pas. La nourrice cependant envoyait
régulièrement des nouvelles et comptait à la
mère des morceaux de savon à faire croire que
la petite changeait de linge chaque jour. Un
matin Geneviève reçut une lettre alarmante
d’une voisine et, arrivée à l’improviste, cette
fois, trouva Nénette sale, rongée de vermine,
fiévreuse et gravement malade d’une entérite.
Toute au besoin de sauver sa fille, elle ne la
quitta plus ; envoya une dépêche à ses patrons
et décida de la garder avec elle à Paris. Elle
savait coudre, elle coudrait, elle vivrait de rien
s’il le fallait, mais elle gagnerait assez pour
donner à Nénette le lait et les œufs qui lui
étaient nécessaires ; elles ne seraient plus
séparées et, si elles ne pouvaient vivre, elles
mourraient ensemble du moins.
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LA VIE TRAGIQUE DE GENEVIÈVE