141
tort à qui que ce fût en acceptant sans murmurer
les salaires infimes qu’on lui payait, bien que,
comme elle aimait à le dire, « elle n’attendît
ر
pas après pour manger ».
Derrière la cloison où la femme du couvreur
cousait sans fièvre, Rose, dans la chambre qu’elle
partageait avec Marcelle, avait jeté sur la table
tout un essaim de pétales d’aurore que ses
doigts fuselés assemblaient en fleurs exquises.
De la main droite, elle tenait une pince très
fine, de l’autre une tige, sur laquelle elle gref-
fait l’un après l’autre les pétales blancs et
orangés. D’une touche légère de sa pince, elle
les inclinait, les redressait, recourbait leurs
bords, et la rose s’épanouissait dans la grâce.
artificielle et pourtant durable de sa corolle de
gaze.
Marcelle, qui, lentement, tournait et retour-
nait entre ses doigts une carcasse de chapeau,
s’écria :
-
Il paraît qu’on a supprimé les veillées !
Un sourire effleura les lèvres de Rose. Oui,
une dernière loi avait supprimé les veillées à
l’atelier. On sortait à huit heures ; les ouvrières
Page:Compain - La vie tragique de Geneviève, 1912.pdf/146
Cette page n’a pas encore été corrigée
141
LA VIE TRAGIQUE DE GENEVIÈVE