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LA VIE TRAGIQUE DE GENEVIÈVE

s’achemina vers le Petit Lyonnais, avec son paquet de chemises. Elle espérait retrouver de l’ouvrage chez Strohl le lundi suivant, et arriver à payer ainsi la location de sa machine et même le ressemelage de ses chaussures ! Ah ! ces chemises, il serait dur d’en reprendre de semblables pour le même prix ! Elles valaient bien trois francs pièce. Certes, si le travail reprenait, elle ne les ferait plus à moins. Il fallait être malheureuse pour les accepter à un franc cinquante ! Cependant par-dessus son inquiétude et sa fatigue, le sentiment de la bonté des Morin planait comme une douceur. Quand elle était revenue chercher Nénette elle l’avait trouvée riant aux éclats en face de Frédéric qui, non content d’avoir raccommodé le pantin, lui faisait exécuter des culbutes et des gestes de clown, et il avait eu pour Geneviève un regard si pitoyable que le tourbillonnement de la fatigue dans sa pauvre tête s’était apaisé un instant. Et ne voilà-t-il pas que le grand’père avait juré qu’elle ne sortirait pas sans avoir mangé la soupe avec eux. Elle s’était laissée retenir, et la soupe du père Morin lui avait