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Page:Compain - La vie tragique de Geneviève, 1912.pdf/173

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LA VIE TRAGIQUE DE GENEVIÈVE

sentit seule devant une force méchante, environnée d’aveugles et de sourdes-muettes.

Ses yeux se reportèrent sur l’impassible visage.

— Vous m’avez fait le prix d’un franc cinquante par chemise, articula-t-elle d’une voix rauque.

— Soixante-cinq centimes, répéta la voix sans timbre. Passez à la caisse.

Affolée, Geneviève froissa le chiffon de papier. L’instinct de résistance la tint debout, lui indiqua, à elle ignorante de tout droit, la voie à suivre.

— Je ne passerai pas à la caisse. Vous pouvez garder votre argent. Moi, je garde vos chemises.

— Hein ?

— Je ne vous les rendrai pas. Je les vendrai plutôt. J’ai faim, c’est vrai, mais pas encore assez pour travailler pour ce prix là !

Ivre de colère et de douleur, elle passa devant les employées stupéfaites de tant d’audace, inconsciente elle-même de la gravité de son acte. Cependant il lui sembla percevoir