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Page:Compain - La vie tragique de Geneviève, 1912.pdf/263

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LA VIE TRAGIQUE DE GENEVIÈVE

disait Geneviève en retournant en hâte. chez elle. Je l’avais mal jugé.

Peu nombreux fut le cortège qui accompagna jusqu’au cimetière de Bagneux le char des pauvres, où les os du vieux Morin furent, pour la première fois, traînés par deux chevaux. La mère de Clémence, malgré la diminution de leurs ressources déposa sur le drap noir un petit bouquet d’immortelles. Morin suivait pâle, raidissant le buste, à bout de souffle entre deux ou trois camarades. Derrière eux marchait Geneviève au bras de Rose qui lui avait prêté le voile noir qui recouvrait son pauvre chapeau. Elle ne put supporter l’épaisseur de ce crêpe devant ses yeux fatigués et le releva au bout de quelques pas. Un spectacle atroce s’offrit alors à sa vue : celui de son mari cheminant le dos courbé, vêtu de son ancien veston des dimanches qui pendait flasque autour de son corps émacié et dont le cou maigre et jaune émergeait du faux-col trop large. Elle étouffa un cri, car elle venait de l’apercevoir refaisant pour son compte le même trajet, traîné lui aussi par deux chevaux noirs !