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Page:Compain - La vie tragique de Geneviève, 1912.pdf/336

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LA VIE TRAGIQUE DE GENEVIÈVE

coup. Son destin avait été tragique entre tous ; il n’était pas extraordinaire : combien d’autres que l’acharnement des circonstances mauvaises n’acculaient pas au suicide, ne mangeaient jamais à leur faim, ne respiraient jamais un air pur, ne mettaient au monde que des enfants chétifs, destinés à la mort ou au vice précoce ! Est-ce que vraiment, il était nécessaire pour que les femmes de France fussent élégantes ou simplement habillées avec grâce, qu’une armée de misérables s’exténuât pour un salaire de famine ? Non, cela ne devait pas être. Et pour la première fois, dans ce décor de vanités, elle prit conscience que la cruauté de son sort se reliait à la plus profonde injustice de la vie, et sa souffrance personnelle se perdit un moment dans le sentiment de toutes les souffrances semblables.

Elle allait maintenant dans les halls immenses où miroitaient les velours et les soies, où les mousselines, aux teintes changeantes traînaient dans l’air saturé de parfums comme des nuages colorés par le soleil couchant. Et parmi la foule affairée, elle se laissait aller