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LA VIE TRAGIQUE DE GENEVIÈVE

l’attrait profond des natures semblables. Et si lui-même en cet instant où l’intruse faisait irruption dans le jardin bien clos, où il avait installé sa vie à l’abri des bourrasques, ne se sentait pas au cœur une colère durable, c’est qu’un étrange instinct de protection et de pitié pour sa propre chair, parlait plus haut que ses révoltes de bourgeois amoureux de bien-être et de tranquillité. Oui, c’était, il n’en pouvait douter davantage, sa propre fille qui le servi- rait ce soir à table, qui demain cirerait ses chaussures, nettoierait sa table de toilette, laverait son linge, et à laquelle il remettrait, en échange de ses services, deux petites pièces d’or !

— Mais c’est abominable ! s’écria-t-il.

Et une voix en lui-même murmura que cette rencontre imprévue avec son enfant, eût pu être plus abominable encore. Geneviève était pauvre, elle n’était qu’une servante ; mais elle était pure, mieux que pure : délicate et fière. C’était une fleur des champs, une églantine à qui la culture seule avait manqué pour atteindre sa grâce parfaite.