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Page:Compain - La vie tragique de Geneviève, 1912.pdf/8

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LA VIE TRAGIQUE DE GENEVIÈVE

qui revenait chaque année avec le printemps. Ce soir elle en savourait la douceur avec une émotion nouvelle, car c’était la dernière fois qu’elle la vivait. Demain, elle quitterait la maison où elle avait vécu d’une existence monotone et factice, pour « entrer dans le. monde ». Oh ! ce serait un début bien humble que le sien ! Demain elle serait femme de chambre chez M. Henri Varenne, conseiller de préfecture à Caen ; mais le cœur lui battait aussi fort, de crainte et surtout d’espérance, que si elle avait été une jeune fille riche à la veille de son premier bal. Ce n’est pas qu’elle eût été malheureuse dans l’établissement ceint de vergers et de prairies où elle avait grandi depuis l’âge de quatre ans. Ses joues fraiches, un peu hâlées, ses lèvres rosés, prouvaient qu’elle n’y avait point pâti ; et son cœur aussi y avait aimé ses compagnes et ses maîtresses ; mais, malgré tout, on y vivait enfermée, avec pour seules distractions la messe et les vêpres, et les petites comédies que l’on jouait au mardi gras ou pour la fête de « madame ».