Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/220

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Que serait-ce si la puissance publique, au lieu de suivre, même de loin, les progrès des lumières, était elle-même esclave des préjugés ; si, par exemple, au lieu de reconnaître la séparation absolue du pouvoir politique qui règle les actions, et de l’autorité religieuse qui ne peut s’exercer que sur les consciences, elle prostituait la majesté des lois jusqu’à les faire servir à établir les principes bigots d’une secte obscure, dangereuse par un sombre fanatisme, et dévouée au ridicule par soixante ans de convulsions ? Que serait-ce si, soumise à l’influence de l’esprit mercantile, elle employait les lois à favoriser, par des prohibitions, les projets de l’avidité et la routine de l’ignorance ; ou si, docile à la voix de quelques zélateurs des doctrines occultes, elle ordonnait de préférer les illusions de l’illumination intérieure aux lumières de la raison ? Que serait-ce si, égarée par des trafiquants avares qui se croient permis de vendre ou d’acheter des hommes, pourvu que ce commerce leur rapporte un pour cent de plus ; trompée par des planteurs barbares qui ne comptent pour rien le sang ou les larmes de leurs frères, pourvu qu’ils puissent les convertir en or, et dominée par de vils hypocrites, elle consacrait, par une contradiction honteuse, la violation la plus ouverte des droits établis par elle-même ? Comment alors pourrait-elle ordonner d’enseigner ou ces coupables maximes, ou des principes directement contraires à ses lois ? Que deviendrait l’instruction chez un peuple où il faudrait que le droit public, que l’économie politique changeassent avec les opinions