Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

immergé d’un vieil arbre, et du plus loin déjà s’entendait leur amoncellement de menace. Portant à leur sommet une lueur spectrale, on les voyait sortir de la nuit — cette lueur de l’écume qui, dans un mol éclair, désignait férocement, par-dessus le frêle corps de bâtiment, la dégringolante ruée, l’écroulement bouillonnant, puis la galopade en fuite éperdue de chaque lame. Jamais, au grand jamais, le Nan-Shan n’arriverait à secouer de lui toute cette eau ; Jukes tout raidi constatait que le navire se débattait à l’aventure ; plus rien de sensé dans les mouvements soudains qu’il risquait ; mauvais signe : c’était l’annonce et le commencement de la fin ; et l’accent d’inquiétude affairée que Jukes percevait dans la voix du capitaine Mac Whirr, l’écœurait comme un symptôme de folie contagieuse. L’incantation de la tempête opérait. Jukes se sentait pénétré par elle, bu par elle ; il s’absorbait en elle avec toute la rigueur de sa silencieuse attention. Mac Whirr cependant continuait à crier, mais le vent se calait entre eux comme un coin solide. Le capitaine