Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/146

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ce qu’avait été l’escarpement de cette lame, et l’effrayante profondeur du gouffre que l’ouragan avait creusé derrière la mouvante muraille d’eau.

Elle accourait à la rencontre du navire ; et le Nan-Shan alors, s’arrêtant comme pour se ceindre les reins, souleva son avant, puis sauta. Les flammes de toutes les lampes s’affaissèrent, assombrissant la chambre des machines ; l’une d’elles s’éteignit. Avec un fracas déchirant, un tumulte furieux et giratoire, des tonnes d’eau tombèrent sur le pont ; on eût dit que le navire s’était élancé sous une cataracte. Là, en bas, ils se regardèrent hébétés.

— « Balayés d’un bout à l’autre, bon Dieu ! » brailla Jukes.

Le Nan-Shan plongea droit au fond du gouffre, dépassant les confins de la terre. Un affreux vacarme de ferraille s’éleva de la chaufferie. Et le navire resta suspendu dans une inclinaison épouvantable, assez longtemps pour permettre à Beale tombé sur les genoux et les mains, de ramper comme s’il eût eu l’intention de fuir à quatre pattes hors de la chambre