Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/41

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froisse, et même pour le bon motif. Mais rien ne le froisse. On lui ferait un pied de nez qu’il demanderait innocemment et gravement : « Qu’est-ce qui vous prend ? » Il s’étonne comme un enfant. Un jour, il m’a dit du ton le plus naturel, qu’il trouvait par trop difficile de découvrir ce qui agitait les hommes d’une manière si bizarre. Mais en vérité, il est trop épais pour s’en tourmenter. »

Ainsi parlait Jukes à son ami que retenaient les mers occidentales, sous la dictée de son cœur et donnant libre cours à sa fantaisie.

Il exprimait ce qu’il pensait en toute franchise : ça ne valait pas la peine de chercher à émouvoir un homme pareil.

Si le monde eût été peuplé de Mac Whirr, la vie fut sans doute apparue à Jukes comme une affaire insipide et de médiocre profit. Il n’était pas seul de cette opinion. On eût dit que la mer elle-même, épousant la cordiale indulgence de Jukes, jugeait inutile de se jamais mettre en frais pour secouer de sa torpeur cet homme taciturne qui rarement levait les