Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/72

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pendant tout ce temps-là, capitaine ? » Qu’est-ce que je pourrai répondre ? — « J’ai changé de route pour éviter le mauvais temps » — « Il devait être fichtrement mauvais, » diraient-ils. — « Ça, je ne peux pas le savoir » devrais-je répondre, « puisque je l’ai évité. » Vous voyez ça, Jukes. Oh ! J’y ai bien réfléchi, allez ! tout l’après-midi. »

Il leva de nouveau son regard obtus et terne. Jamais on ne l’avait entendu dire tant de paroles en une seule fois. Jukes, dans l’embrasure de la porte restait les bras ouverts et pareil à un homme qu’on eût invité à assister à un miracle. Un étonnement sans bornes se lisait dans ses yeux, tandis que son attitude exprimait le doute.

— « Un grain est un grain, M. Jukes », reprit le capitaine, « et un navire en pleine puissance n’a qu’à y faire face. Le sale temps court ainsi de par le monde et la seule chose à faire est de l’affronter sans s’inquiéter de ce que le vieux capitaine Wilson de la Mélita appelle la « stratégie des tempêtes ». L’autre jour, à terre, je l’ai entendu haranguer sur ce sujet devant une