Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/73

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bande de capitaines qui étaient venus s’asseoir à la table voisine de la mienne. Cela m’a semblé la plus grande des balivernes. Il leur racontait comment il avait déjoué (c’est je crois le mot dont il s’est servi) un terrible coup de vent, si bien qu’il s’en tint toujours distant de plus de cinquante milles. Il appelait ça un chef-d’œuvre de fine manœuvre. Comment sut-il qu’il y avait un terrible coup de vent à cinquante milles de lui, cela me renverse. J’avais l’impression d’écouter un insensé. J’aurais pensé pourtant que le capitaine Wilson était assez vieux pour s’y connaître. »

Le capitaine Mac Whirr s’arrêta un moment, puis dit :

— « C’est votre quart en bas, M. Jukes ? »

Jukes reprit ses esprits en tressaillant :

— « Oui, capitaine.

— Donnez ordre qu’on m’avertisse au moindre changement. » Il se souleva pour remettre le livre sur la planche et arrangea ses jambes sur la couchette. « Fermez la porte de façon qu’elle ne se rouvre pas, voulez-vous ? Je ne peux pas supporter