Page:Considérations sur la France.djvu/122

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13° J’ai parlé d’un caractère principal des véritables législateurs ; en voici un autre qui est très-remarquable, et sur lequel il seroit aisé de faire un livre. C’est qu’ils ne sont jamais ce qu’on appelle des savans, qu’ils n’écrivent point, qu’ils agissent par instinct et par impulsion, plus que par raisonnement, et qu’ils n’ont d’autre instrument pour agir ; qu’une certaine force morale qui plie les volontés comme le vent courbe une moisson.

En montrant que cette observation n’est que le corollaire d’une vérité générale de la plus haute importance, je pourrois dire des choses intéressantes, mais je crains de m’égarer : j’aime mieux supprimer les intermédiaires, et courir aux résultats.

Il y a entre la politique théorique et la législation constituante, la même différence qui existe entre la poétique et la poésie. L’illustre Montesquieu est à Lycurgue, dans l’échelle générale des esprits, ce que Batteux est à Homère ou à Racine.

Il y a plus : ces deux talens s’excluent positivement, comme on l’a vu par l’exemple de Locke, qui broncha lourdement lorsqu’il s’avisa de vouloir donner des lois aux Américains.