Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/335

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troublent au contraire l’ordre public par des vexations impunies. De la sorte, une nation achète, par ses privations, les malheurs et les dangers ; et dans cet état de choses, le gouvernement se corrompt par sa richesse, et le peuple par sa pauvreté[1].


  1. Rien n’est plus juste et plus vrai que ces réflexions. Si Louis XIV a si tristement abusé de la guerre, c’est qu’il pouvait abuser impunément des impôts et des emprunts ; si Louis XV prélevait pour les dépenses d’une seule année quatre-vingt millions sur un budget de cinq cents millions, c’est qu’il pouvait comme son prédécesseur lever sur ses sujets, de sa pleine et entière autorité, les taxes les plus arbitraires. Des prodigalités folles à la cour, une misère affreuse dans les campagnes qui tournaient, comme le dit Saint-Simon, en un vaste hôpital de mourants et de désespérés, voilà le spectacle que présente la France aux dix-septième et dix-huitième siècles. L’expérience du passé nous a-t-elle rendus plus sages ? Ménageons-nous avec plus de prudence et de discernement que nos aïeux les ressources contributives du pays ? La révolution nous a donné l’égalité proportionnelle ; mais nous a-t-elle donné l’économie et la prévoyance de l’avenir ? Il est permis d’en douter. Qu’on ajoute au budget de l’État les charges communales et départementales, et l’on sera effrayé de voir quelle part de la fortune publique absorbe l’administration. Cette grave question, qui devrait attirer toute la sollicitude des représentants du pays, est cependant l’une de celles sur lesquelles ils passent le plus rapidement.
    (Note de l’éditeur.)