Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/420

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à le répéter : leurs vertus résistent, plus que la nature humaine ne permet de l’espérer, à l’influence du système guerrier et à l’action d’un gouvernement qui veut les corrompre. Ce gouvernement seul est coupable, et nos armées ont seules le mérite de tout le mal qu’elles ne font pas.


Autre inconvénient de la formation d’un tel esprit militaire.

Enfin, par une triste réaction, cette portion du peuple que le gouvernement aurait forcée à contracter l’esprit militaire, contraindrait à son tour le gouvernement de persister dans le système pour lequel il aurait pris tant de soin de la former.

Une armée nombreuse, fière de ses succès, accoutumée au pillage, n’est pas un instrument qu’il soit aisé de manier. Nous ne parlons pas seulement des dangers dont il menace les peuples qui ont des constitutions populaires. L’histoire est trop pleine d’exemples qu’il est superflu de citer.

Tantôt les soldats d’une république illustrée par six siècles de victoires, entourés de monuments élevés à la liberté par vingt générations de héros, foulant aux pieds la cendre des Cincinnatus et des Camille, marchent sous les ordres de César, pour profaner les tombeaux de leurs ancêtres, et pour asservir la ville éternelle. Tantôt les légions anglaises s’élancent avec Cromwell sur un parlement qui luttait encore contre les fers qu’on lui destinait, et les crimes dont on voulait le rendre