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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/14

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l’unique souffle qui m’anime encore. Je ne veux point vous effrayer. Je ne veux point employer ces menaces trop profanées par tant d’autres. Je ne sais ce que je deviendrai. Peut-être me consumerai-je sans violences, de douleur sourde et de désespoir concentré. Je regretterai la vie parce que je regretterai votre pensée, les traits que je me retrace, le front, les yeux, le sourire que je vois. Je suis bien aise de vous avoir connue. Je suis heureux d’avoir, à n’importe quel prix, rencontré une femme telle que je l’avais imaginée, telle que j’avais renoncé à la trouver, et sans laquelle j’errais dans ce vaste monde, solitaire, découragé, trompant sans le vouloir des êtres crédules, et m’étourdissant avec effort. Je vous aimerai toujours. Jamais aucune autre pensée ne m’occupera. Que ne rencontré-je pas en vous ? Force, dignité, fierté sublime, beauté céleste, esprit éclatant et généreux, amour peut-être, amour qui eût été tel que le mien, abandonné, dévorant, ardent, immense !… Que ne vous ai-je connue plus tôt ?… J’aurais vu se réaliser toutes les illusions de ma jeunesse, tous les désirs d’une âme aimante et orgueilleuse de vous, et à cause de vous d’elle-même. Seul j’étais fait pour vous. Seul je pouvais concevoir et partager cette généreuse et impétueuse nature, vierge de toute bassesse et de tout égoïsme. Alors