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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/15

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vous n’auriez pas dû sacrifier sans cesse la moitié de vos sentiments, et les plus nobles de vos impulsions. Un poids éternel de médiocrité tracassière et de considérations mesquines n’eût pas étouffé votre vie. J’eusse été fort de votre force, et défenseur heureux de l’être le plus pur et le plus adorable qui soit sur la terre. Lirez-vous cette lettre ? Donnerez-vous une minute à ces rêves sur le passé ? Vous repoussez l’avenir. N’importe, je vous remercie d’être une créature angélique. Vous m’avez rendu le sentiment de ma dignité, vous m’avez expliqué l’énigme de mon existence. Je vois qu’il ne m’a manqué sur la terre que de vous avoir plus tôt connue, et que je n’aurai pas existé en vain. Adieu, je suis malheureux profondément… je m’exalte ou je retombe. Je me berce de chimères et la réalité m’oppresse. Il est cinq heures : dans six heures je vous verrai et je vais penser à vous le reste de cette nuit. Il est impossible que vous puissiez ne point venir. Si je vous ai fait de la peine en vous quittant, pardonnez-moi. Je vous aime avec tant de délire ! Je voudrais seul porter toutes les douleurs qui peuvent atteindre votre vie. Je voudrais prendre toutes vos peines et vous léguer tous mes jours heureux, si je pouvais en espérer. Vous viendrez sûrement ? Ne pas venir serait affreux.