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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/56

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profonde n’avait été à grands flots versée sur tout mon être. Jamais femme n’avait réuni tant de sortes de délires avec quelque chose de si pur et de si délicat. Je ne connaissais alors que votre situation ostensible. Je vous croyais maîtresse d’un homme pour lequel vous vous étiez dévouée, envers qui vous aviez développé toutes les vertus du caractère le plus élevé. J’ignorais vos rapports de fortune, et je ne savais pas jusqu’à quel point votre sort et celui de vos enfants dépendaient de lui. Lorsque vous fûtes vaincue par l’amour extrême que vous n’avez pas cessé de m’inspirer, nos cœurs s’étaient entendus, mais nous n’avions encore parlé que d’amour, et le détail de vos affaires ne m’avait point été confié. Lors donc, qu’ivre d’amour, je vous proposais de vous emmener à la campagne, je ne savais point qu’après une séparation d’avec M. de L… il y aurait encore des détails, toujours pénibles et longs à régler, détails affreux pour mon cœur, et par leur origine et par leur genre, puisqu’ils devaient me retracer sans cesse que vous en aviez aimé un autre que moi. Ma situation à moi était très simple. Un tendre amour pour une femme qui avait toujours été parfaite pour moi, s’était changé en une amitié tendre et durable. Rien ne me liait à une fidélité que nos sentiments mutuels n’exigeaient plus. Tout me liait à de la reconnaissance,