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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/61

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fait, à juste titre, mépriser de l’objet même de son honteux sacrifice ? J’ai obtenu d’autres femmes, j’ai des lettres d’autres femmes. Aucune puissance de la terre n’obtiendrait de moi une seule de ces lettres. Vous m’avez quelquefois accusé d’être immoral : eh bien, l’idée de livrer une ligne d’un être qui m’a aimé, est une immoralité qui me fait frémir. D’ailleurs, soyons francs et entendons-nous : rupture d’amour, elle existe : je ne suis plus aimé, je ne suis plus amant ! Rupture d’amitié, serait ingratitude que je ne veux pas commettre, et privation d’une amitié à laquelle je ne me sens ni le désir ni le devoir de renoncer. Ce dernier sentiment serait moins fort chez moi, que je réclamerais encore ma parfaite indépendance. Quelle liaison serait-ce, mon Dieu, qui recommencerait par des témoignages de défiance et par d’outrageantes précautions ! Vous n’en seriez pas longtemps tranquille. Vos soupçons renaîtraient. Nous nous consumerions en altercations douloureuses : et qui peut prévoir l’effet du soupçon d’un côté et du besoin d’indépendance de l’autre ? Ah ! je vous rendrais à vous-même un bien funeste service si je consentais à ce que vous me demandez. Ce serait alors que vous auriez lieu de vous plaindre ; car en prenant l’engagement de me plier aux craintes, aux inquiétudes, aux ombrages d’une femme, je prendrais un engagement que je ne pourrais tenir. Enfin,