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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/69

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qu’une course dans un département où j’ai des propriétés, soit un événement. Je veux sanctionner mon sentiment pour vous, par ce qui seul rend le sentiment heureux et durable, la liberté. Anna, je veux être avec vous dans les seuls rapports qui me permettraient de vous rendre heureuse, qui n’aigriraient pas mon caractère, comme l’a toujours fait toute espèce de contrainte. Sans doute serais-je toujours heureux de céder à vous, tant que je n’y serais pas forcé. Mais ne méconnaissez pas votre empire. Remettez-vous-en à vous-même, à vos moyens naturels, à votre céleste figure, à votre esprit ferme, vaste, généreux, à cette dignité qui vous entoure et qui garantissent la durée des sentiments que vous inspirez. Je vous aime d’amour. Je vous aime encore d’affection et d’estime profonde, je voudrais voir votre bonheur fondé sur toutes ces bases. J’ai fait violence à mon caractère pour exprimer si positivement mes idées. Je vous perdrai peut-être, mais si j’ai d’éternels regrets, je n’aurai pas de remords. Je ne puis soutenir Paris. Tout m’y retrace des plaisirs passés peut-être à jamais. Je pars pour la campagne. Le monde m’importune. L’isolement, en me livrant à moi-même, rendra peut-être ma douleur plus vive encore. Je ne travaille point. Mes jours s’écoulent sans utilité comme sans gloire. Et vous dites que je ne vous aime pas !