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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/70

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XXII. Madame Lindsay à Benjamin Constant Paris, 25 messidor an IX [14 juillet 1801].

Avant de me coucher, je relis votre lettre, et l’effet magique, irrésistible de votre présence, est détruit. Si vous m’aviez dit : « En vous faisant le sacrifice de mon voyage, il m’en coûtera probablement les trois quarts de ma fortune « , je vous aurais dit : partez… Les intérêts de mon amour-propre, de ma délicatesse même, doivent être soumis à une nécessité anonyme, mais cet aveu, de quoi le faites-vous ? — Comme je ne puis pas ne pas vous aimer, je me résigne : il m’en coûte mon repos, mon bonheur, toute la possibilité d’étude et de gloire. — Ainsi donc, ce n’est pas de moi que vous tenez tous ces biens ? Ce n’est plus à la nécessité de vos affaires, mais à votre bonheur qu’il faut que je me sacrifie : car si je persiste à exiger de vous une conduite différente, je vous blesse, indépendamment de votre fortune, dans vos sentiments les plus chers ! Je sors enfin de l’inconcevable délire où j’étais plongée… je vous rends à vous-même. Il ne fallait rien moins qu’un empire absolu sur toutes vos facultés, que l’impossibilité de votre part