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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/79

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d’une sensibilité véritable et qui ont éprouvé de vives émotions, son amitié avait quelque chose de tendre et de passionné qui lui donnait un charme particulier. Son esprit était juste, étendu, toujours piquant, quelquefois profond. Une raison exquise lui avait indiqué les opinions saines, plutôt que l’examen ne l’y avait conduite ; elle les développait avec force, elle les soutenait avec véhémence. Elle ne disait pas toujours, peut-être, tout ce qu’il y avait à dire en faveur de ce qu’elle voulait démontrer ; mais elle ne se servait jamais d’un raisonnement faux, et son instinct était infaillible contre toutes les espèces de sophismes. La première moitié de sa vie avait été trop agitée pour qu’elle eût pu rassembler une grande masse de connaissances ; mais, par la rectitude de son jugement, elle avait deviné en quelque sorte ce qu’elle n’avait pas appris. Elle avait appliqué à l’histoire la connaissance des hommes, connaissance qu’elle avait acquise en société ; et la lecture d’un très petit nombre d’historiens l’avait mise en état de démêler d’un coup d’œil les motifs secrets des actions publiques et tous les détours du cœur humain. Lorsqu’une révolution mémorable fit naître dans la tête de presque tous les Français des espérances qui furent longtemps trompées, elle embrassa cette révolution avec enthousiasme,