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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/80

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et suivit de bonne foi l’impulsion de son âme et la conviction de son esprit. Toutes les pensées nobles et généreuses s’emparèrent d’elle, et elle méconnut, comme bien d’autres, les difficultés et les obstacles, et cette disproportion désespérante entre les idées qu’on voulait établir et la nation qui devait les recevoir, nation affaiblie par l’excès de la civilisation, nation devenue vaniteuse et frivole par l’éducation du pouvoir arbitraire, et chez laquelle les lumières mêmes demeuraient stériles, parce que les lumières ne font qu’éclairer la route, mais ne donnent point aux hommes la force de la parcourir. Julie fut une amie passionnée de la Révolution, ou, pour parler plus exactement, de ce que la Révolution promettait. La justesse de son esprit en faisait nécessairement une ennemie implacable des préjugés de toute espèce, et, dans sa haine contre les préjugés, elle n’était pas exempte d’esprit de parti. Il est presque impossible aux femmes de se préserver de l’esprit de parti ; elles sont toujours dominées par des affections individuelles. Quelquefois, ce sont ces affections individuelles qui leur suggèrent leurs opinions ; d’autres fois, leurs opinions les dirigent dans le choix de leurs alentours. Mais, dans ce dernier cas même, comme elles ont essentiellement besoin d’aimer, elles ressentent bientôt pour leurs alentours une affection vive, et de la sorte