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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/81

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l’attachement que l’opinion avait d’abord créé réagit sur elle et la rend plus violente. Mais si Julie eut l’esprit de parti, cet esprit de parti même ne servait qu’à mettre plus en évidence la bonté naturelle et la générosité de son caractère. Elle s’aveuglait sur les hommes qui semblaient partager ses opinions ; mais elle ne fut jamais entraînée à méconnaître le mérite, à justifier la persécution de l’innocence, ou à rester sourde au malheur. Elle haïssait le parti contraire au sien ; mais elle se dévouait avec zèle et avec persévérance à la défense de tout individu qu’elle voyait opprimé : à l’aspect de la souffrance et de l’injustice, les sentiments nobles qui s’élevaient en elle faisaient taire toutes les considérations partiales ou passionnées ; et, au milieu des tempêtes politiques, pendant lesquelles tous ont été successivement victimes, nous l’avons vue souvent prêter à la fois à des hommes persécutés, en sens opposés, tous les secours de son activité et de son courage. Sans doute, quand son cœur ne l’aurait pas ainsi dirigée, elle était trop éclairée pour ne pas prévoir que de mauvais moyens ne conduisaient jamais à un résultat avantageux. Lorsqu’elle voyait l’arbitraire déployé en faveur de ce qu’on appelait la liberté, elle ne savait que trop que la liberté ne peut jamais naître de l’arbitraire. C’était donc avec douleur qu’elle contemplait les défenseurs de ses opinions