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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/82

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chéries, les sapant dans leur base, sous prétexte de les faire triompher, et s’efforçant plutôt de se saisir à leur tour du despotisme que de le détruire. Cette manière de voir est un mérite dont il faut savoir d’autant plus de gré à Julie, que certes il n’a pas été commun. Tous les partis, durant nos troubles, se sont regardés comme les héritiers les uns des autres, et, par cette conduite, chacun d’eux, en effet, a hérité de la haine que le parti contraire avait d’abord inspirée. Une autre qualité de Julie, c’est qu’au milieu de sa véhémence d’opinion, l’esprit de parti ne l’a jamais entraînée à l’esprit d’intrigue. Une fierté innée l’en garantissait. Comme on se fait toujours un système d’après ses défauts, beaucoup de femmes imaginent que c’est par un pur amour du bien qu’elles demandent pour leurs amis des places, du crédit, de l’influence. Mais quand il serait vrai que leur motif est aussi noble qu’elles le supposent, il y a dans les sollicitations de ce genre, quelque chose de contraire à la pudeur et à la dignité de leur sexe ; et, lors même qu’elles commencent par ne songer qu’à l’intérêt public, elles se trouvent engagées dans une route qui les dégrade et les pervertit. Il y a dans cette carrière tant de boue à traverser que personne ne peut s’en tirer sans éclaboussures. Julie, violente quelquefois, ne fut jamais intrigante ni rusée. Elle désirait