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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/83

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les succès de ses amis, parce qu’elle y voyait un succès pour les principes qu’elle croyait vrais ; mais elle voulait qu’ils dussent ces succès à eux-mêmes, et non pas à des voies détournées, qui les leur eussent rendus moins flatteurs, et, en leur faisant contracter, comme il arrive la plupart du temps, des engagements équivoques, auraient faussé la ligne qu’ils devaient suivre. Elle aurait tout hasardé pour leur liberté, pour leur vie ; mais elle n’aurait pas fait une seule démarche pour leur obtenir du pouvoir. Elle pensait, avec raison, que jamais le salut d’un peuple ne dépend de la place que remplit un individu ; que la nature n’a donné en ce genre à personne des privilèges exclusifs ; que tout individu qui est né pour faire du bien, en fait, quelque rang qu’il occupe et qu’un peuple qui ne pourrait être sauvé que par tel ou tel homme, ne serait pas sauvé pour longtemps, même par cet homme, et, de plus, ne mériterait guère la peine d’être sauvé. Il n’en est pas de la liberté comme d’une bataille. Une bataille, étant l’affaire d’un jour, peut être gagnée par le talent du général ; mais la liberté, pour exister, doit avoir sa base dans la nation même, et non dans les vertus ou dans le caractère d’un chef. Les opinions politiques de Julie, loin de s’amortir par le temps, avaient pris, vers la fin de sa vie, plus de véhémence. Comme elle raisonnait juste, elle n’avait pas conclu, comme