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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/89

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profonde, un enthousiasme sincère pour tout ce qui était noble et grand, elle n’éprouvât jamais le besoin de ce recours à quelque chose de surnaturel qui nous soutient contre la souffrance que nous causent les hommes, et nous console d’être forcés de les mépriser ; mais son éducation, la société qui l’avait entourée dès sa première jeunesse, ses liaisons intimes avec les derniers philosophes du dix-huitième siècle, l’avaient rendue inaccessible à toutes les craintes comme à toutes les espérances de cette nature. C’était le seul rapport sous lequel elle eût, pour ainsi dire, abjuré son habitude de se décider par elle-même, et embrassé des opinions sur parole. Je suis loin de regarder l’incrédulité comme une faute ; mais la conviction de ce genre ne me paraît motivée par rien, et l’affirmation dans l’athée me semble annoncer un grand vice de raisonnement. Les dévots peuvent être entraînés par les besoins de l’imagination et du cœur, et leur esprit peut se plier à ces besoins sans être faussé ; mais l’homme qui croit être arrivé par la logique à rejeter sans hésitation toute idée religieuse est nécessairement un esprit faux. L’incrédulité de Julie était, au reste, plutôt une impression de l’enfance qu’une persuasion réfléchie, et il en était résulté que cette incrédulité s’était logée dans un coin de sa tête, comme la religion se loge dans la tête de beaucoup de gens, c’est-à-dire sans exercer