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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/93

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ou que l’activité des soins qu’elle prodiguait à son fils mourant l’avait ranimée ; lorsqu’elle ne vit plus de bien à lui faire, ses forces l’abandonnèrent. Elle revint à Paris, malade, et, le jour même de son arrivée, tous les médecins en désespérèrent. Sa maladie dura environ trois mois. Pendant tout cet espace de temps, il n’y eut pas une seule fois la moindre possibilité d’espérance. Chaque jour était marqué par quelque symptôme qui ne laissait aucune ressource à l’amitié, avide de se tromper, et chaque lendemain ajoutait au danger de la veille. Julie seule parut toujours ignorer ce danger. La nature de son mal favorise, dit-on, de telles illusions ; mais son caractère contribua sans doute beaucoup à ces illusions heureuses : je dis heureuses, car je ne puis prononcer avec certitude sur les craintes qu’une mort certaine lui aurait inspirées. Jamais cette idée ne se présenta d’une manière positive et directe à son esprit ; mais je crois qu’elle en eût ressenti une peine vive et profonde : on s’en étonnera peut-être. Privée de ses enfants, isolée sur cette terre, ayant à la fois une âme énergique, qui ne devait pas être accessible à la peur, et une âme sensible, que tant de pertes devaient avoir déchirée, pouvait-elle regretter la vie ? je ne mets pas en doute que si ses forces physiques eussent mieux résisté à sa douleur morale, elle n’eût pris en horreur la carrière sombre et solitaire qui lui restait à