Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/64

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CHAPITRE VI.


Quoi ! cette chose a-t-elle paru de nouveau cette nuit ?
Shakspeare. Hamlet.


Le visage de l’homme est le livre de loch de ses pensées, et celui du capitaine Ludlow semble satisfait, observa une voix qui était à peu de distance du commandant de la Coquette, tandis que ce dernier se livrait encore à la pantomime que nous avons décrite dans le chapitre précédent.

— Qui parle de livre de loch et de pensées, ou plutôt qui ose espionner mes actions ? demanda le jeune marin avec fierté.

— Celui qui a joué avec les unes et griffonné trop souvent sur l’autre pour craindre un grain, qu’il le voie dans les nuages ou seulement sur le visage de l’homme. Quant à épier vos actions, capitaine Ludlow, j’ai guetté trop de gros vaisseaux dans mon temps, pour m’arrêter à chaque léger croiseur que le hasard envoie sur mon chemin. J’espère, Monsieur, que vous m’honorerez d’une réponse ; chaque salut en mer a droit à une égale politesse.

Ludlow put à peine en croire ses regards, lorsqu’en se détournant il rencontra l’œil audacieux et le maintien calme du marin qui avait déjà une fois dans la matinée bravé son ressentiment. Maîtrisant son indignation, le jeune homme essaya d’imiter la tranquillité qui donnait un air imposant à l’étranger, malgré sa condition inférieure. Peut-être la singularité de l’aventure aida-t-elle à effectuer un dessein qui n’offrait pas peu de difficulté à un homme habitué à recevoir les marques de déférence de tous ceux qui regardaient la mer comme leur asile. Réprimant donc son ressentiment, le jeune commandant répondit :

— Celui qui se montre courageusement à ses ennemis a une audace convenable ; mais celui qui brave la colère de ses amis est trop hardi.

— Et celui qui ne fait aucune de ces choses est plus sage que ces deux-là. Capitaine Ludlow, nous nous rencontrons à termes égaux à présent, et la conversation peut être libre.