Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/373

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réellement un Assheton, quelques pièces que j’avais avec moi par hasard prouvant évidemment ma parenté avec cette famille, sans faire connaître le nom de la mienne. Mais on connaît si peu la méfiance dans ce pays, qu’en restant éloigné des endroits où j’étais personnellement connu, j’aurais pu passer toute ma vie sans que personne découvrît la vérité.

— Tout cela était fort mal, mon cher cousin John, dit Ève en lui prenant la main avec affection, tandis que son visage était animé par le sentiment intime des droits appartenant à son sexe ; et je ne serais pas femme si je parlais autrement. Vous aviez signé le plus solennel des contrats humains, et c’est un mauvais présage quand un tel engagement est voilé par un mensonge. Mais pourtant vous pouviez être heureux avec une femme vertueuse et affectionnée.

— Hélas ! c’est une malheureuse ressource que d’épouser une femme pour bannir la passion dont on a encore le cœur rempli pour une autre. La confiance vint trop tard. Découvrant bientôt que j’étais malheureux, Mildred tira de moi l’aveu tardif des motifs qui m’avaient porté à l’épouser mais je continuai à lui cacher mon véritable nom. Sa fierté s’offensa de ce qu’elle appela une duplicité ; elle me reprocha de l’avoir trompée, et cédant à l’impulsion d’une âme élevée, elle me déclara qu’elle ne pouvait plus vivre avec un homme qui en avait agi si cruellement à son égard. Nous nous séparâmes donc, et je partis sur-le-champ pour les États du sud-ouest, où je passai l’année suivante à voyager, allant de place en place, dans le vain espoir de recouvrer ma tranquillité. Je m’enfonçai dans les prairies, et je passai la plus grande partie du temps loin du monde entier, dans la compagnie de chasseurs et de trappeurs.

— Cela m’apprend, dit M. Effingham, comment il se fait que vous connaissiez si bien ce pays, fait que je n’avais jamais pu m’expliquer. Nous pensions que vous aviez passé tout ce temps parmi vos anciens amis de la Caroline.

— Personne ne savait où je m’étais caché, car j’avais pris un autre nom supposé, et je n’avais même pas de domestique. J’avais pourtant envoyé à Mildred une adresse à laquelle elle pût m’écrire ; car je commençais à éprouver pour elle une véritable affection, quoique ce ne fût pas de la passion, et je comptais me réunir à elle quand la blessure que sa fierté avait reçue aurait eu le temps de se cicatriser. Les obligations qu’impose le mariage sont d’une