Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/48

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nances de sa position et assez jeune pour jouir de tous les plaisirs de la fête. Lorsqu’elle approcha de mon côté, il me sembla que je la connaissais ; mais ce ne fut qu’au son de sa voix pleine de douceur et d’enjouement, que je me rappelai la jolie enfant pour laquelle je m’étais battu avec un garçon boucher, il y avait près de six ans. Bientôt, ce qui d’abord n’avait été qu’une conjecture se changea en certitude.

Dans le premier moment de surprise, ayant rencontré les yeux de la belle demoiselle, je me hasardai à lui faire un profond salut. Elle sourit d’abord, de l’air d’une personne qui retrouve une ancienne connaissance ; puis son teint se colora, et elle répondit à mon salut par une révérence gracieuse, mais pleine de réserve ; et, les yeux fixés à terre, elle se détourna, comme pour causer avec sa compagne. Après cela, je ne pouvais m’avancer pour lui parler, mais je n’étais pas sans espoir que la vieille négresse qui l’accompagnait me reconnaîtrait ; car elle m’avait témoigné beaucoup d’intérêt lors de ma querelle. Il n’en fut rien, malheureusement ; et la vieille Katrinke, ce fut le nom que j’entendis lui donner, continua à donner des explications au cercle enjoué qui l’entourait sur les différents jeux de ses compatriotes, sans faire aucune attention à moi. Le caquetage de ces demoiselles alla son train, quoique ma belle inconnue continuât à montrer beaucoup de calme et de retenue.

— Ah ! miss Anneke ! s’écria tout à coup Katrinke, voici un jeune monsieur que vous ne serez pas fâchée de voir, je vous en réponds.

— Anneke, répétai-je en moi-même, et un jeune monsieur que vous ne serez pas fâchée de voir ? Serait-ce Dirck ?

Je fus bientôt tiré d’incertitude. En effet Dirck s’avança vers le petit groupe, fit un salut général et finit par secouer cordialement la main à ma jeune inconnue en l’appelant sa cousine Anneke. C’était donc Anna Mordaunt, comme on l’appelait dans les cercles anglais, fille unique et héritière d’Herman Mordaunt, de Lilacsbush ! Ma foi, pensai-je, Dirck a plus de goût que je ne lui en supposais ! Dans ce moment les regards de Dirck se rencontrèrent avec les miens ; et d’un air d’orgueil et de triomphe, il me fit signe d’approcher.