Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Cousine Anneke, dit mon ami, qui n’employait jamais les circonlocutions quand il pouvait les éviter, voici Corny Littlepage dont vous m’avez entendu parler si souvent, et pour qui je réclame une de vos plus belles révérences et un de vos sourires les plus gracieux.

Miss Mordaunt eut la bonté d’obéir littéralement ; je reçus le sourire gracieux et la belle révérence ; il me parut seulement qu’on cherchait à réprimer une légère envie de rire. Je m’étais incliné jusqu’à terre, et je marmottais quelques compliments inintelligibles, quand la vieille négresse laissa échapper une exclamation ; et avec la liberté d’une ancienne domestique de confiance, elle tira sa jeune maîtresse par la manche, et lui dit vivement quelques mots à l’oreille. Anneke rougit, se tourna de mon côté, me regarda plus fixement et avec plus d’assurance, et ce fut alors que je fus l’objet du plus charmant sourire qui jamais, suivant moi, eût pu être adressé à un mortel.

— M. Littlepage n’est pas tout-à-fait un étranger pour moi, mon cousin, répondit la belle enfant. Katrinke me rappelle que c’est le jeune homme qui a pris un jour ma défense, et je commence en effet à le reconnaître. Vous souvenez-vous, monsieur Littlepage, de ce petit garçon qui m’avait insultée et de votre bienveillante intervention pour me protéger ?

— Eussent-ils été vingt, mademoiselle, tout homme de cœur en eût fait autant à ma place.

Il me semble que pour un jeune homme sans usage du monde, et pris ainsi à l’improviste, ce n’était pas trop mal répondre. Ce fut sans doute aussi l’avis de miss Mordaunt, car sa rougeur augmenta encore et la fit paraître mille fois plus charmante.

— Vingt ? répéta Dirck avec énergie ; qu’ils soient vingt s’ils veulent, grands ou petits, cousine, et vous ne manquerez pas de protecteurs.

— Je suis sûre d’un du moins, cousin Dirck, répondit Anneke en présentant la main à mon ami avec un abandon dont je l’aurais dispensée volontiers ; mais M. Littlepage, qui n’était alors que maître[1] Littlepage, ne me connaissait pas, et je n’avais pas les mêmes droits à sa protection qu’à la vôtre.

  1. L’usage est d’appeler les jeunes garçons maîtres, master, et non monsieur.