Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/254

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promptement possible, et d’en partager le sort, quel qu’il pût être. Mais c’était une résolution qu’il était plus facile à l’honnête marin de former que d’exécuter. Il aurait plus aisément conduit un navire à travers les écueils et les brisants de la baie de Devil’s-Grip que dirigé sa marche dans le labyrinthe de corridors, de passages et de galeries dans lequel il était alors engagé.

Il se souvenait, comme il se le dit dans un petit soliloque, d’avoir vogué dans un embranchement étroit du canal principal, mais avait-il pris à bâbord ou à tribord, c’était un fait entièrement échappé à sa mémoire. Il était dans cette partie de l’édifice auquel le colonel donnait le nom de cloître ; et heureusement pour lui il n’était pas probable qu’il y rencontrât des ennemis, la chambre du capitaine Borroughcliffe dans cette aile du bâtiment étant la seule qui ne fût pas exclusivement occupée par les dames ; ce n’était même que depuis quelques heures que cet empiétement sur le sanctuaire avait en lieu. Le colonel s’était vu dans la nécessité, ou de traiter ses prisonniers Griffith et Manuel d’une manière indigne de lui, ou de placer l’un d’eux dans cet appartement ; et comme il était voisin du logement de sa nièce, il avait jugé plus prudent d’y placer Borroughcliffe, pour donner sa chambre à l’un des prisonniers. Cet arrangement était doublement avantageux au contre-maître, en ce qu’il diminuait la chance que pouvait avoir le capitaine d’être promptement tiré de sa situation désagréable, et qu’il l’exposait lui-même à moins de danger ; mais il ignorait ces deux circonstances, et la dernière était de nature a ne guère occuper les pensées de Tom Coffin.

Longeant la muraille à tâtons, il sortit bientôt de l’obscur et étroit corridor sur lequel donnait la chambre de Borroughcliffe, et rentra dans la grande galerie qui communiquait avec le corps de logis principal. Une porte ouverte à l’extrémité, et d’où partait une vive lumière, attira ses yeux sur-le-champ : le vieux marin eut à peine fait quelques pas qu’il reconnut la salle dans laquelle il avait été conduit en arrivant.

Retourner sur ses pas pour chercher une autre issue était la marche la plus simple et la plus naturelle que pût suivre un homme qui n’avait d’autre but que de s’évader ; mais on causait à haute voix et très gaiement, comme l’annonçait le choc des verres. Le nom de Barnstable frappa les oreilles du contre-maître, et il se détermina à avancer pour faire une reconnaissance, et tâcher