Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/330

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stant de la crise approchait, sentait qu’il devait prendre un ton plus sérieux qu’il ne l’avait fait jusqu’alors. Vous et tous ceux qui ont volontairement troublé la paix publique dans le royaume, vous devez attendre que le gouvernement fasse connaître ses volontés à votre égard.

— En ce cas, que Dieu protége l’innocence et qu’il défende la justice !

Amen.

— Place ! misérables ; cria Griffith aux soldats qui gardaient la porte donnant sur la galerie, place ! ou gare nos piques.

— En joue ! s’écria Borroughcliffe, mais qu’on ne lâche pas un chien à moins qu’ils n’avancent.

Il y eut un instant de confusion occasionnée par les préparatifs qu’on faisait de chaque côté pour combattre. Le bruit causé par le choc des armes se mêlait à celui des menaces et des imprécations prononcées à demi-voix. Cécile et Catherine s’étaient couvert le visage de leurs mains pour ne pas voir l’horrible spectacle auquel elles s’attendaient à chaque instant. Mais miss Dunscombe avança hardiment entre les baïonnettes et les piques qui se menaçaient, et sa voix suspendit le combat.

— Écoutez-moi, s’écria-t-elle, écoutez-moi, si vous êtes des hommes et non des démons altérés du sang les uns des autres, quoique vous soyez faits à l’image de celui qui est mort pour vous élever au rang des anges. Donnez-vous le nom de guerre à ce qui va se passer ? Est-ce là cette gloire qui doit enflammer jusqu’au cœur d’une femme frivole et inconsidérée ? La paix des familles doit-elle être détruite pour assouvir votre soif désordonnée de la victoire ? Ôterez-vous la vie à vos semblables pour en faire un abominable trophée ? Écartez-vous, soldats anglais, si vous êtes dignes de ce nom, et livrez passage à une femme. Souvenez-vous que le premier coup qui partira sera dirigé contre son sein !

Son air, son ton, ses paroles, tout se réunit pour imposer aux soldats, et ils s’écartèrent pour lui ouvrir ce passage que Griffith avait en vain demandé pour lui et pour les siens. Mais au lieu de profiter de l’avantage qu’elle venait d’obtenir, elle sembla avoir perdu tout à coup l’usage de ses sens. Elle resta immobile à l’endroit où elle se trouvait, ses yeux égarés fixés vers la porte ouverte, comme si elle eût aperçu quelque objet qui la glaçait de consternation et d’effroi.