Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/96

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d’armes, il lui serait permis de croire que de pareilles formalités sont aussi nécessaires que les mots barbares qu’on insère dans un contrat. Allons, Borroughcliffe, mon cher ami, je crois que nous avons bu séparément à la santé de chacun des membres de la famille royale. Que Dieu les protége tous ! Buvons maintenant rasade à la mémoire de l’immortel Wolfe.

— C’est une proposition qu’aucun soldat ne refusera jamais, colonel. Que Dieu les protége tous ! dirai-je avec vous. Et si notre gracieuse reine continue comme elle a commencé, nous aurons une famille de princes plus nombreuse que toutes celles à la santé desquelles pourrait boire aucune armée en Europe.

— Oui, oui ; cette pensée offre une consolation au milieu de l’affliction causée par cette affreuse révolte de mes concitoyens. Mais je ne veux plus me tourmenter de ce souvenir désagréable. Les armes de mon souverain feront bientôt disparaître cette tache de ma terre natale.

— On ne saurait en douter, dit Borroughcliffe, dont les idées continuaient à se troubler, grâce au madère qui avait mûri sous le soleil de la Caroline. Ces misérables Yankies[1] fuient devant les troupes de Sa Majesté comme la populace de Londres devant quelques cavaliers de la garde.

— Pardonnez-moi, capitaine Borroughcliffe, répondit le colonel en redressant encore sa taille très-droite ; ils peuvent être égarés, trompés, trahis, mais votre comparaison est injuste. Donnez-leur des armes et de la discipline, et chaque pouce de leurs terres qu’on leur arrachera sera arrosé du sang des vainqueurs.

— Le plus grand lâche de la chrétienté deviendrait un héros, colonel Howard, dans un pays où le vin devient un cordial comme celui-ci. D’ailleurs je suis une preuve vivante que vous avez mal compris ce que je voulais dire. Si vos concessionnaires du Vermont et du Hampshire, à qui Dieu concède sa bénédiction, n’eussent pas réformé définitivement les deux tiers de ma compagnie, je ne serais pas aujourd’hui sous votre toit, officier de recrutement au lieu d’être en activité de service, et je n’aurais pas été lié par un pacte, comme sous la loi de Moïse, si Burgoyne avait pu leur tenir tête dans leurs longues marches et contre-marches.

  1. Voyez sur ce sobriquet des Américains les notes des Pionniers et de Lionel Lincoln.