Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/16

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tion offerte par de vastes régions inconnues qui s’étendaient sur leurs frontières du nord et de l’ouest, engagèrent quelques aventuriers à pénétrer plus avant dans les forêts. Le lieu précis où nous désirons transporter l’imagination de nos lecteurs était occupé par un de ces établissements qu’on peut assez justement appeler les postes avancés de la civilisation dans sa marche conquérante.

On connaissait si peu alors les bornes du continent américain, que lorsque les lords Say-and-Seal et Brooke, réunis à quelques autres associés, obtinrent la concession du territoire qui compose aujourd’hui l’État de Connecticut, le roi d’Angleterre attacha son nom à une patente qui les constituait propriétaires d’une contrée qui devait s’étendre depuis les terres de l’Atlantique jusqu’à celles de la mer du Sud. Malgré l’apparente impossibilité de soumettre et même d’occuper un espace aussi immense, les émigrants de la colonie-mère de Massachusetts se trouvèrent disposés à commencer une expédition qui ressemblait à un des travaux d’Hercule, environ quinze ans après leur arrivée sur le roc de Plymouth. Le fort Say-Brooke, les villes de Windsor, Hartfort et New-Haven, s’élevèrent bientôt, et la petite communauté qui se forma alors avança dans sa carrière avec calme et prospérité. Ce fut un modèle d’ordre, de raison, de bonne conduite, et la ruche d’où un essaim de cultivateurs industrieux, éclairés, infatigables, s’élança vers une surface si étendue, qu’on supposerait qu’ils aspirent encore aujourd’hui à la possession de ces régions immenses que les lettres-patentes du roi d’Angleterre leur avaient octroyées.

Parmi les religionnaires que le dégoût ou la persécution avaient conduits à l’exil volontaire des colonies, les hommes distingués par leur caractère et leur éducation l’emportaient en nombre. De jeunes prodigues, des cadets de famille, des soldats sans emploi, des étudiants en droit, cherchèrent bientôt fortune et des aventures dans les provinces plus au sud, où les esclaves dispensaient du travail, et où une guerre conduite avec plus de vigueur et de politique encourageait l’ambition et donnait lieu à des scènes capables de flatter le penchant naturel de leurs imaginations et de leurs caractères. Ceux dont les habitudes étaient plus graves et les dispositions plus religieuses, trouvèrent un refuge dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre. Là une multitude de citoyens transportèrent leur fortune et leur famille,