Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/47

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instant ; chacun croyait entendre l’explication d’une circonstance qui commençait à prendre l’aspect d’un pénible mystère ; mais les espérances ne furent excitées que pour être confondues.

— Mes pensées n’ont point suivi la marche du temps, dit le vieillard. Quelle heure est-il, mon fils ?

Content lui répondit que l’heure à laquelle on se livrait ordinairement au sommeil était déjà passée.

— N’importe, reprit-il, ce que la Providence nous a donné pour notre subsistance et l’aisance de la vie ne doit pas être méprisé. Prends le cheval que j’ai l’habitude de monter, mon fils, et suis le sentier qui conduit à la montagne défrichée ; rapporte ce qui se présentera devant tes yeux au premier coude de la route. Nous avons atteint le dernier quartier de l’année ; et afin que nos travaux n’en souffrent pas, et que tout le monde soit levé avec le soleil, que le reste de la maison aille se livrer au repos.

Content vit, à la manière dont lui parlait son père, qu’il fallait exécuter à la lettre toutes ses instructions. Il ferma la porte lorsque le vieillard fut sorti, et alors, par un geste d’autorité, fit signe à ses serviteurs de se retirer. Les servantes de Ruth conduisirent les enfants dans leur chambre, et quelques minutes plus tard il ne resta dans l’appartement que le fils respectueux et son inquiète et tendre compagne.

— Je te suivrai, dit Ruth à demi-voix aussitôt que les petits préparatifs pour couvrir le feu et fermer les portes furent terminés. Je n’aimerais pas que tu allasses seul dans la forêt à une heure aussi avancée de la nuit.

— Celui qui n’abandonne point ceux qui placent en lui leur confiance sera avec moi. Outre cela ma chère Ruth, qu’y a-t-il à craindre dans un désert semblable à celui-ci ? On a donné la chasse dernièrement aux animaux, sur la montagne ; excepté ceux qui reposent sous notre propre toit, il n’y en a pas à une journée de route.

— Nous ne le savons pas. Où est l’étranger qui s’introduisit dans notre demeure au coucher du soleil ?

— Comme tu le disais, nous ne le savons pas. Mon père ne semble pas vouloir ouvrir la bouche sur le compte du voyageur, et certainement nous n’en sommes plus à prendre des leçons d’obéissance et d’abnégation de soi-même.

— Cependant notre esprit serait plus à l’aise si nous apprenions au moins le nom de celui qui a mangé notre pain et qui