Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/192

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Eût fait vivre l’enfant qu’ils avaient fait mourir ?

Le matin les surprit aux genoux du cadavre.

Et puis ce fut l’histoire ordinaire, et qui navre :
Dernier regard qu’on jette au cher enseveli,
Dernier baiser qu’on pose au front déjà pâli,
Et plus rien ! Mais pour ces vieillards le sort complice
Rendit plus douloureux et plus long le supplice.
Le prêtre ― il était prêtre, hélas ! ― dut sur le corps
De son enfant chanter les prières des morts,
Lui jeter l’eau bénite en sanglotant, et boire
Ses pleurs qui se mêlaient au vin dans le ciboire.
Il dut l’accompagner jusqu’au dernier logis,
Où le soldat, les yeux par les larmes rougis,
Dut sous son vieux sabot pousser la lourde bêche
Et couvrir le cercueil de terre toute fraîche.
Maintenant ils sont seuls. Tout est déjà rentré
Dans l’ordre d’autrefois chez le pauvre curé.
Assis au feu, chauffant leurs vieilles mains tremblantes,
Ils laissent, sans parler, s’enfuir les heures lentes,
Ne sachant rien, sinon que leur enfant est mort.
Mornes, sans l’accepter, ils subissent le sort.
Le soldat fait ses trous, le prêtre dit sa messe.