Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/226

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épée dans la main de Rodrigue, comme un jeu de scène indiqué plus haut par ce vers :

« Passe, pour me venger, en de meilleures mains[1]. »

Quand le vieillard épuisé par sa véhémence quitte Rodrigue, dont il ignore l’amour pour la fille du Comte, il semble moins précipiter sa retraite que le don Diègue français, qui n’attend pas un mot de réplique à sa fatale révélation : le père de Chimène[2]. Tout cela est à considérer comme matière d’étude et non dans un injuste esprit de censure.

Le monologue en stances, Percé jusques au fond du cœur[3], réclamerait un attentif parallèle avec l’espagnol. Là nous lisons aussi trois stances d’une coupe soignée, d’un mouvement et d’un refrain semblables, avec des rimes croisées d’une manière analogue et un peu plus artificielle encore, par le privilège de la poésie lyrique méridionale. Corneille eût pu citer au bas de la page :


Suspenso de afligido

estoy…


représenté par :


« Je demeure immobile, et mon âme abattue

« JeCède au coup qui me tue. »


En écrivant le vers :

« Et malheureux objet d’une injuste rigueur, »


notre poète reste obscur ou inintelligible, là où l’espagnol est très-clair, puisqu’il entend parler de la rigueur injuste de la Fortune, dont il n’est rien dit dans le français.


Tan… Fortuna…
Tan en mi daño ha sido

tu mudauza… et plus loin… tu inclemencia…

Rodrigue, après ce morceau lyrique, emprunte encore une trentaine de vers de romance, où il n’est plus question de son amour, mais où l’on aperçoit le germe du vers si connu :

« La valeur n’attend point le nombre des années[4] ; »


......pues que tengo

mas valor que pocos años.

Scène IVe. Le Comte, suivi de serviteurs armés, se promène avec

  1. Acte I, scène iv, vers 260.
  2. Acte I, scène v, vers 282.
  3. Acte I, scène vi, vers 291.
  4. Acte II, scène ii, vers 406.